Sur la frontière entre Villeurbanne et Lyon 1/2

Les tentatives de fixer précisément les limites entre Villeurbanne et Lyon sont anciennes. En 1479, le roi de France Louis XI fait établir par l’un de ses conseillers, un certain Louis Tindo, les frontières entre le Dauphiné auquel est rattachée Villeurbanne et les faubourgs de Lyon. Le tracé établi au XVe siècle est adopté au cours des siècles suivants, il prévaut encore aujourd’hui – à de rares exceptions près –.

En 1974, dans un article paru dans les numéros 50 et 51 de la revue d’histoire lyonnaise Rive Gauche (mis en ligne en mars 2020 par la Société d’histoire de Lyon), Georges Bazin – historien de Lyon (un parc porte son nom dans le quartier de Monchat), collaborateur régulier de la publication – tentait de retrouver précisément le tracé originel des limites entre Villeurbanne et Lyon en s’appuyant sur les descriptions sommaires faites par Louis Tindo, divers plans postérieurs et indices repérés au détour d’une rue ou d’une immeuble. En particulier des plaques en céramique disposées le long de la frontière entre les deux villes en 1932. Des plaques dont l’emplacement est précisément détaillé dans l’article, de telle sorte que l’on peut suivre les pas de l’auteur 45 ans plus tard.

Rue du 14 juillet 1789, l’une des plaques mentionnées par Georges Bazin dans son article

Ces bornes consistent en deux carreaux de céramique rectangulaires mesurant 11 centimètres de hauteur par 13 centimètres de largeur cimentés côte à côte. Chaque carreau porte une indication en bleu avec un filet d’encadrement de même couleur : l’un est marqué Vne (Villeurbanne), l’autre Ln (Lyon) dans cet ordre ou dans l’autre. Apposés sur le soubassement d’immeubles, sur le seuil de magasins, sur les marches de plusieurs maisons ou à même le trottoir, ils délimitent les territoires de Villeurbanne et de Lyon.

Les 32 plaques citées délimitent la frontière sud-ouest de Villeurbanne avec Lyon (à l’ouest, la ligne de chemin de fer et le parc de la tête d’Or servent de limites, au sud la route de Genas) tracée « à l’œil » par Louis Tindo à travers champs et marais. La succession de lieux dits dans la toponymie du XVe siècle est particulièrement évocatrice : lac d’Oysel, fossés des channées, ruisseaux, bois, croix de Simandres (place des Maisons-Neuves), château de la Ferrandière…

Sur les 32 éléments mentionnés par Georges Bazin entre l’avenue Verguin – près du parc de la Tête d’or – et la place des Maisons-Neuves, seuls 13 subsistent. Il n’est pas fait mention du nombre de plaques qui pouvaient avoir été installées dans les années 1930 ; sans aucun doute beaucoup avaient déjà été détruites en 1974, c’est encore plus vrai depuis. La démolition du Palais d’hiver (1988), le vaste réaménagement de la place Charles-Hernu au début des années 1990, la création du collège Louis Jouvet rue du Docteur Dolard, la transformation du quartier de la Ferrandière et des Maisons-Neuves, et la construction effrénée d’immeubles résidentiels un peu partout ont considérablement modifié le paysage de Villeurbanne et ont eu raison de la plupart des plaques en céramique. Il y a fort à parier qu’il y eut autant de plaques que de rues coupées par le tracé de la frontière ; certaines rues perpendiculaires à la frontière comportaient deux fois deux plaques de part et d’autre de la chaussée, côté pair et impair.

Plan de la commune de Villeurbanne par Pallordet (1862), les limites incluent une partie du parc de la Tête d’Or (annexé par Lyon en 1880). Collection Le Rize, archives municipales de Villeurbanne

La lecture de l’article est un crève-cœur. Au-delà des anecdotes surannées de son auteur (la mention par exemple d’un café et d’une boulangerie disparus, à cheval entre Villeurbanne et Lyon rue Jules Vallès : « l’immeuble est coupé en deux parties, le café est sur Villeurbanne et la boulangerie, qui fait l’angle, sur Lyon, mais… le fournil est à cheval, le boulanger prépare son pain sur Lyon, le fait cuire sur Villeurbanne ! Pour le vendre sur Lyon. »), il est fait mention d’éléments de patrimoine disparus pour toujours à l’instar de vestiges du château de la Ferrandière situés rue Edouard Aynard.

Les plaques, si elles ne sont pas protégées, pourraient disparaître elles aussi : sur les 32 recensées par Georges Bazin en 1974 n’en subsistent que 13 (à la publication de cet article en juin 2020). Parmi elles, trois sont particulièrement abîmées et menacent de disparaître à court ou moyen terme : l’une est cassée, l’autre est percée, la troisième badigeonnée de peinture. Aussi, il importe de les découvrir avant qu’il ne soit trop tard ; dans les prochaines semaines, un second article, sous forme d’itinéraire de promenade à travers Villeurbanne (3,5 km au départ de Charpennes ou des Maisons-Neuves), permettra à chacun de localiser et relier les 13 plaques encore en place.

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