De la place de la Cité au rond-point du Totem 1/2
[Article rédigé à partir d’une notice réalisée en 2016 pour une exposition au café du Rize des estampes de Guy de Rougemont éditées par l’URDLA. Un second billet dédié à la physionomie de la place au XXe siècle suivra dans les prochaines semaines.]
Le “Totem” de Guy de Rougemont signale depuis 1981 l’une des entrées de Villeurbanne et est devenu assez rapidement un emblème de la ville connu de tous. Cette sculpture en acier laqué en forme de colonne au centre de la place Albert-Thomas a donné au fil des ans son surnom au quartier alentour et à plusieurs enseignes à proximité.
Guy de Rougemont dit « Rougemont » est un artiste français né en 1935. Tout à la fois peintre, sculpteur, graveur et designer, il a débuté sa carrière dans les années 1960 après des études à l’école des Arts Décoratifs de Paris. Depuis 1997, Guy de Rougemont siège à l’Académie des Beaux-Arts. Il s’est attaché depuis plus de cinquante ans à abattre les frontières entre les arts – en considérant les arts décoratifs à part entière – et à intégrer l’art dans le quotidien avec de nombreux projets dans l’espace public. Ses interventions dans le paysage urbain se comptent par dizaines : Allemagne, Japon, Équateur, États-Unis… Sur le territoire de la métropole du Grand Lyon, trois œuvres sont installées de manière permanente : devant le parvis de l’École Normale Supérieure (site Monod, Lyon 7e), au collège Marcel Dargent (Lyon 3e) et place Albert Thomas à Villeurbanne.
Le Totem. En 1981, la ville de Villeurbanne fait appel à lui pour réaliser une œuvre marquant l’entrée de la ville depuis le cours Lafayette « afin que celle-ci ne soit plus considérée comme le faubourg de la grande ville voisine » selon les propres mots de l’artiste. « Il est ici question d’une sculpture cadastrale, d’un bornage, d’une balise. Le propos était de donner un centre à ce confluent de quatre voies [cours Tolstoï, avenue Marc Sangnier, rue du 4 août 1789, cours de la République], tout en dominant l’environnement immédiat, afin d’offrir aux vues lointaines selon les axes d’approches, une possibilité de repérage. » Emblématique de son travail, cette œuvre monumentale se caractérise par la combinaison de formes géométriques simples avec des couleurs vives qui ont valu à son auteur le surnom de « géomètre de la couleur ». Sa forme cylindrique et ses motifs invitent à en faire le tour. En 2019, le Totem a été transformé en rond-point et la peinture restaurée, les automobilistes et cyclistes pouvaient auparavant au choix le contourner par la gauche ou par la droite. Le Totem reposait jusqu’à cette date sur une base de trois marches en granit « entourée d’une corolle en quatre couleurs de basaltine joliment découpée comme un col de dentelle » rehaussée de quelques centimètres à l’occasion des derniers travaux. Un détail que l’on remarque à peine et qui démontre le soin apporté par Guy de Rougemont aux détails de cette réalisation.
Haute de 10 mètres, la colonne en rappelle une autre qui supportait au XIXe siècle au même endroit une sculpture de Napoléon Ier (reproduite dans Villeurbanne 2000 ans d’esprit d’indépendance), l’œuvre inaugurée en 1839 fut détruite en 1871. Au fil des ans, le Totem a transformé la physionomie de la place en inspirant les architectes des bâtiments alentours. L’œuvre est devenu un emblème de la ville au point de faire oublier le nom original de la place (Albert-Thomas) et donner le sien au quartier et à plusieurs enseignes à proximité (pharmacie, bureau de poste, bar…).
Guy de Rougemont et Villeurbanne. En plus de la réalisation du Totem, Guy de Rougemont bénéficia en 1984 d’une exposition personnelle à l’hôtel de ville de Villeurbanne (Géométries mentales, du 6 avril au 7 mai 1984), un catalogue fut édité à cette occasion. La municipalité acquit à la suite de l’exposition l’une des peintures présentées : “Le Carré Sublime” (1980, détail en une de l’article). Aux mêmes dates, une exposition eut lieu en parallèle dans les bureaux de l’ARGAL au 99 cours Emile Zola.
Guy de Rougemont fut invité trois ans plus tard à réaliser une série d’estampes à l’URDLA. Ces lithographies se distinguent par une palette restreinte de gris et de couleurs plus sourdes, à l’opposé du Totem. Guy de Rougemont s’est attaché à évoquer un ou plusieurs faisceaux de lumière, orientés dans plusieurs directions, laissant apparaître par transparence un répertoire de formes (étoiles, pointillés, rectangles) et de lignes, courbes et droites, pouvant évoquer la ville avec ses tracés routiers ou un paysage nocturne. Cet ensemble fut montré en 2016 au Rize à l’occasion d’une exposition au café pour laquelle fut écrit une première version de ce texte. Suite de l’article à paraître prochainement.
Aller plus loin :
- Rougemont, catalogue de l’exposition à l’Hôtel de ville de Villeurbanne, Service Culturel de la ville de Villeurbanne, 1984.
- Promenades artistiques au gré de Villeurbanne proposées par Danielle Devinaz, Daniele Devinaz, Editions du Mot Passant, 2001.
- L’art contemporain dans les espaces publics, Territoire du Grand Lyon 1978/2008, Marianne Homiridis et Perrine Lacroix, Edition La BF15, 2008.
- Villeurbanne 2000 ans d’esprit d’indépendance, Alain Belmont, Glénat, 2015.